Il y a bien longtemps, une famille vivait dans
le sombre enchevêtrement des poutres d'un moulin à vent, au nord de la
Hollande.
Le meunier la connaissait bien ; un jour, il avait même sauvé la petite femelle
qui risquait d'être écrasée par les meules.
En échange le gnome veillait à éviter les incendies en annonçant en temps
utile, la tempête et la pluie afin que le meunier pût caler les ailes du moulin
qui, sans cela, se seraient mises à tourner follement, risquant de provoquer le
feu.
Si dans la famille du meunier, quelqu'un
tombait malade, le gnome venait le voir, posait sur son front sa toute petite
main ridée et laissait en partant des herbes qui, presque toujours,
guérissaient.
Bref, au moulin, tout allait pour le mieux, à la fois physiquement et financièrement.
C'était d'ailleurs tout naturel, car le meunier et sa femme étaient
intelligents, travaillaient d'arrache-pied et avaient de gentils enfants.
Mais certaines maisons du voisinage étaient habitées par des gens bêtes et
surtout paresseux, avec des femmes qui jetaient l'argent par les fenêtres. Ces
voisins envieux répandaient le bruit que le meunier s'occupaient de magie noire
et que c'était la raison de sa prospérité.
Dans le bon vieux temps, ce genre de calomnie
pouvait avoir de très graves conséquences pour celui qui en était victime. Mais
les petits et les gros fermiers des environs n'y prêtaient guère attention ;
ils savaient que c'était faux et même, l'un d'entre eux avec un gnome chez lui.
Dans une de ces familles malveillantes, vivait une petite fille de onze ans,
aux tresses couleur de paille.
C'était presque invraisemblable que des parents aussi bêtes et bornés aient pu
avoir une fille pareille.
Elle connaissait tous les animaux et toutes les
plantes et avait beaucoup de patience et de gentillesse. Plus tard, elle serait
très belle, cela se voyait.
Elle entendait raconter toutes ces calomnies mais, pour elle, il ne faisait
aucun doute que des gnomes habitaient dans le moulin et que la magie noire n'y
entrait pour rien. Elle aurait tout donné pour avoir chez elle, ne fût-ce qu'un
seul gnome, mais les gnomes avaient négligé sa maison.
Et voilà pourquoi, dans la
vieille école du village, avec l'aide d'un jeune instituteur romantique, elle
modela un gnome très réussi. Un potier voisin eut la bonté de le cuire dans son
four, puis elle peignit son bonnet pointu, en bleu (à tort bien sûr!), en rouge
son sarrau, en vert son pantalon et ses bottes.
Après quoi, elle le posa parmi les fleurs de son jardin, devant une petite
brouette en bois dont il tenait les mancherons. Naturellement les gnomes du
moulin apprirent tout cela. Ils vinrent voir le modelage et furent très
touchés. En récompense dorénavant, une fois par mois, ils apportaient un petit
cadeau à la fillette.
Avec le temps, sa gentillesse eut une si bonne
influence sur ses parents, que ceux-ci devinrent plus généreux et moins
arriérés, ce qui leur permit d'améliorer leur sort.
Mais une fois de plus, les autres imbéciles s'y trompèrent et dirent :
"Pour s'enrichir il suffit de mettre dans son jardin, un gnome de terre
cuite !"
Ce qui est naturellement, une belle imbécilité, mais ces légendes ont la vie
dure, et c'est de là qu'est venue la coutume de poser, dans certains jardins,
des nains en terre cuite avec ou sans brouette.
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